Un doux réveil [PV: Intemporelle]

Il est encore tôt, ce matin. Et on m’a prévenu de l’arrivée d’une nouvelle personne, un joueur. Mais de qui vient la lubie de faire arriver les participants de plus en plus tôt ? Je baille et coiffe négligemment mes longs cheveux de jais grâce à mes doigts. Je circule entre les étagères de livres, évitant ceux qui sont par terre. Il faudrait peut être que le Maître et moi rangions, un jour... Oui, un jour. Mais j’ai toujours connu la Bibliothèque ainsi, cela ne me ferait-il pas un choc qu’elle soit rangée ? Si. Enfin, ce n’est pas le débat du jour. Je soupire. Finalement, je parviens au pupitre, où sont écrites –sur une feuille, bien sûr- les règles du Jeu. Et là, j’y découvre un jeune homme. Un peu plus vieux que moi, surement. Je fronce les sourcils, tentant de me remémorer son nom, que l’on m’a dit il y a quelques minutes. Mais allez savoir pourquoi, j’ai déjà oublié. Bof, au pire, ce n’est pas bien grave. Il me fixe déjà, avec ses yeux verts. Je baille sans même tenter de le cacher. Je suis encore fatigué de la veille, les joueurs savent me donner du fil à retordre parfois. Et là...Là j’ai été obligé de me lever tôt... Qu’ais-je bien pu leur faire pour qu’ils se liguent tous contre moi et m’empêche de dormir ?... Je continue de m’avancer. Dans le regard du jeune homme je vois de la peur. Ne sait-il donc pas où il est ? La plupart du temps, les joueurs le savent déjà... Je m’arrête enfin face au pupitre et m’appuie dessus, en tournant la feuille vers le jeune homme, de sorte qu’il puisse la lire. Puis ma voix s’élève :

« As-tu pris connaissances des règles du Jeu ? Si tu as des questions par rapport au fonctionnement, je suis là pour ça, je suis le Guide. »

J’observe tranquillement le cinéma du jeune homme et j’écoute ses paroles. Tiens, un espagnol ? Il semblerait, sa langue me le rappelle énormément... Mais, il pourrait être mexicain ou portugais... Non, je dois arrêter de penser à cela, ce n’est pas le débat du jour. Et lorsqu’enfin, il me laisse l’occasion de parler, je ne peux m’empêcher de sourire. Son air désespéré me fait un bien effroyable. Il semble enfin se rendre compte de la dure réalité des choses. Je pourrais presque en avoir un pincement au cœur. Un si beau jeune homme aussi désespéré... Comme c’est cruel... Et dire qu’il a de fortes chances que d’ici un mois il soit réduit en charpie...Le Maître du Jeu est bien sévère avec moi, que de m’infliger cette punition. Voir ce regard que tout espoir a quitté, savoir qu’il va mourir... Oui, je ne pense pas qu’il survivra longtemps. Je soupire. Et finalement, avant qu’il ne reparte dans son monologue-délire, je prends la parole, d’une façon tout à fait calme :

« Nous sommes effectivement dans le Jeu. Tu as été tiré au sort parmi plus de 7 millions de candidats... Non, 4 millions plutôt, nous sommes sadiques mais pas au point de prendre des vieux de 50 ans et des gosses de 10 ans. Bon, si tu n’a pas de questions je vais activer ton collier et tu pourras entrer dans le Jeu... »

Je croise les bras sous ma poitrine. Et je reprends la parole, sans lui laisser le temps de m’interrompre :

« Tu t’appelles comment déjà ? On me l’a dis mais j’ai oublié, et pour te dire avec qui tu es, sa va être dur si je ne m’en souviens plus. C’est pas Louis, ou un truc du genre ?... »

Et puis soudain ma petite proie se redresse et semble se calmer. Je ne peux m’empêcher, de sourire, de rire. Pas méchamment, non, mais je trouve ça drôle. Il est tellement chou... Et puis Lux, c’est ça ? Mon pauvre, je suis désolée...Si tu savais ce qui t’attends... Je me redresse également et m’approche de lui, jusqu’au ce que nos corps se frôle à peine. Je dois lever les yeux pour lui parler, mais en aucun cas je le crains. Je lui fais un sourire doux, ignorant cette colère qui l’a emplit :

« Ce n’est pas moi qui choisit les participants. C’est le Maître du Jeu. Je n’ai pour rôle dans ce Jeu que d’aider les participants, de les guider, pour éviter un maximum les pertes...Ce n’est pas moi ton ennemie, je suis peut être même ta seule réelle alliée. Tu ne dois pas me haïr. »

Je me décolle de lui, lui tourne le dos et fais quelques pas. Puis je fais volte face, plantant mon regard azuré que tellement de personnes trouvent gênant dans celui de Lux. Je reprends mon monologue :

« Dans ce Jeu, tu ne dois faire confiance à personne... Crois moi, j’y ai participé, je suis la première à avoir trouvé l’identité du maître...L’homme que j’aimais m’a trahi, dans ce jeu, vois-tu, il été prêt à m’assassiner... Finalement... C’est lui qui a perdu la vie. Je croyais pouvoir lui donner toute ma confiance, j’ai fait une erreur. Seuls les membres de ton équipe pourront t’aider à te sauver de cet ‘enfer’. D’ailleurs, tu es avec Lucia Alessandrini. Une jeune fille adorable, vraiment. Blonde aux yeux bleus. »

Il ne parle plus. Il s’assoit sur une chaise et ouvre sa chemise... Appel au viol ¬.¬ Je passe ma main dans mes cheveux, les repoussant. Je respire. Pourquoi un mec que je trouve aussi canon se met ainsi ? J’ai dû mal à résister aux charmes d’un homme... Et j’observe son regard. Il semble absent, lointain. Hum... Quit à me prendre un coup... Je sais qu’il n’appréciera certainement pas. Furtivement je m’approche de lui et m’asseyant sans son consentement sur es genoux face à lui, j’approche mes lèvres des siennes et l’embrasse. Glissant mes doigts dans ses cheveux, si doux, je suis parfaitement consciente que je risque de me prendre une droite ou une baffe. Mais pourquoi ne pas s’abandonner à la luxure, des fois ? Dans ce jeu si macabre, un peu de plaisir est bienvenue, surtout quand, comme moi, on a vu toute les horreurs possibles. Des corps carbonisés, en milles morceaux, des charniers humains sans fins par endroit... Voilà a quoi se résume mon environnement, ces derniers temps...

Il ne se débattait pas vraiment. Mais il exprima son désir de ne rien faire. Et je ne suis pas un monstre. Enfin si, mais pas dans ce sens. Je mets fin a notre baiser et me redresse. Je remets debout et m’éloigne, allant m’appuyer contre une étagère à peu près stable à deux mètres de lui environ. Je regrette, vraiment. Mais je ne peux pas l’obliger. J’ai du sang sur les mains, la folie du Jeu m’a gagné et j’ai dû coucher avec la moitié des participants, filles comprises, mais en aucun cas je ne force quelqu’un. Je plante mon regard dans le sien et garde le silence. J’y décèle de la peur. A-t-il été violé ? Cela expliquerait cette peur. Aucune personne au passé normal n’éprouverait une telle peur. Du dégout, de la colère, ou du désir et de l’affection, mais pas de la peur. Je lance alors :

« Désolée. Je me suis laissé aller. Comme je t’ai dis, je ne suis pas ton ennemie, et si tu refuse, je ne ferais rien. »

Je soupire, passe ma main dans mes cheveux. Puis me rapproche à nouveau de Lux. Je me penche vers lui et active son collier. Avant de m’éloigner à nouveau. Je reprends la parole :

« N’essaie pas d’enlever ton collier, je l’ai activé. Lis les règles du Jeu, et si tu as des questions posent-les moi. Le compte à rebours à débuté, et le Jeu a déjà commencé. »